L’étude de la cinématique des glaciers rocheux utilise différentes méthodes de mesure de leur mouvement : suivi de points GPS, interférométrie radar satellitaire, analyse d’orthophotos aériennes ou prises par des drones, etc. (fig. 1).
Le mouvement d’un glacier rocheux peut se différencier en trois types de variations temporelles qui se superposent : (i) des rythmes saisonniers, (ii) des changements interannuels et (iii) une tendance (pluri-)décennale. Ces évolutions sont principalement contrôlées par le régime thermique du pergélisol, bien que de nombreux autres facteurs soient à prendre en compte (topographie, contenu en glace, pression hydraulique, apport de sédiments, etc.).
- Tendance pluri-décennale
Depuis les années 1990, une nette accélération des glaciers rocheux actifs a été constatée dans les Alpes. Par exemple, des analyses photogrammétriques menées sur une quinzaine de glaciers rocheux dans le Turtmanntal (VS) avaient montré dans l’ensemble un doublement des vitesses de surface (entre 16% et 350% selon le glacier rocheux) entre la période 1975-1993 et 1993-2001 (fig. 2). Depuis les années 2005, la tendance à l’accélération s’est encore largement renforcée comme le montre par exemple les mesures du glacier rocheux du Grosses Gufer (fig. 3). L’accélération générale des glaciers rocheux actifs alpins est la conséquence du réchauffement du pergélisol, consécutif à l’élévation de la température de l’air depuis la fin des années 1980 : les propriétés mécaniques de la glace s’en trouvent modifiées et la teneur en eau sous pression dans les pores du glacier rocheux s’accroît. - Changements interannuels
Les changements interannuels de vitesse d’un glacier rocheux peuvent être importants, excédant parfois 50% d’une année à l’autre. Ils sont relativement homogènes quels que soient la géométrie, la taille et le degré d’activité des glaciers rocheux. Les changements observés sont causés de manière prépondérante par des facteurs météorologiques saisonniers tels que la température de l’air en été, la précocité de l’enneigement automnale et la durée de l’enneigement au début de l’été (fig. 4). - Variations saisonnières
Au cours d’une année, le mouvement d’un glacier rocheux se caractérise généralement par une forte accélération à la fonte des neiges, une vitesse maximale en automne et un ralentissement durant l’hiver. L’amplitude des changements des vitesses saisonnières est très variable entre les glaciers rocheux (fig. 5), voire d’un secteur à un autre d’un même glacier rocheux : certains présentent de fortes fluctuations saisonnières des vitesses (ex : ratio min/max de 1 : 10 pour le glacier rocheux du Graben Gufer), alors que d’autres ont une vitesse relativement stable tout au long de l’année (ex. : glacier rocheux de Tsavolires dans le Vallon de Réchy) (fig. 6). En revanche, sur un même site, les fluctuations saisonnières se répètent de façon plus ou moins similaire année après année.
Fig. 1 – Suivi par GPS des mouvements de glaciers rocheux (à gauche : Becs-de-Bosson (Réchy, VS) ; à droite : Tsarmine (Val d’Arolla, VS).
Fig. 1 – Suivi par GPS des mouvements de glaciers rocheux (à gauche : Becs-de-Bosson (Réchy, VS) ; à droite : Tsarmine (Val d’Arolla, VS).
Fig. 2 – Comparaison des vitesses de surface annuelles moyennes (mètres/année) pour différents glaciers rocheux de la vallée de Tourtemagne (VS) entre 1975-1993 et 1993-2001, classés selon l’altitude de leur front. Résultats basés sur une analyse photogrammétrique (adapté de Roer et al., 2005).
Fig. 2 – Comparaison des vitesses de surface annuelles moyennes (mètres/année) pour différents glaciers rocheux de la vallée de Tourtemagne (VS) entre 1975-1993 et 1993-2001, classés selon l’altitude de leur front. Résultats basés sur une analyse photogrammétrique (adapté de Roer et al., 2005).
Fig. 3 – Evolution de la vitesse horizontale du glacier rocheux du Grosses Gufer (Aletsch, Valais) de 1950 à 2020 mesurée par photogrammétrie (OP) et par GPS fixe (GNSS), moyenne d’un ensemble de points de mesures arbitrairement sélectionnés sur le glacier rocheux (Ref. value ou valeur de référence). Entre 1950 et 2000, la vitesse de ce glacier rocheux actif oscillait entre 30 et 50 cm par année. Entre 2007 et 2019, elle était en moyenne de près de 150 cm par année, soit plus du triple de celle de la période 1950 – 2000 (source : UniFR / PERMOS 2020).
Fig. 3 – Evolution de la vitesse horizontale du glacier rocheux du Grosses Gufer (Aletsch, Valais) de 1950 à 2020 mesurée par photogrammétrie (OP) et par GPS fixe (GNSS), moyenne d’un ensemble de points de mesures arbitrairement sélectionnés sur le glacier rocheux (Ref. value ou valeur de référence). Entre 1950 et 2000, la vitesse de ce glacier rocheux actif oscillait entre 30 et 50 cm par année. Entre 2007 et 2019, elle était en moyenne de près de 150 cm par année, soit plus du triple de celle de la période 1950 – 2000 (source : UniFR / PERMOS 2020).
Fig. 4 – Changement relatif de la vitesse horizontale de surface annuelle par rapport à la période de référence octobre 2004 à octobre 2006. La courbe moyenne pour les Alpes suisses se base sur un échantillon d’une trentaine de glaciers rocheux (source : UniFR / PERMOS 2019).
Fig. 4 – Changement relatif de la vitesse horizontale de surface annuelle par rapport à la période de référence octobre 2004 à octobre 2006. La courbe moyenne pour les Alpes suisses se base sur un échantillon d’une trentaine de glaciers rocheux (source : UniFR / PERMOS 2019).
Fig. 5 – Différents types de variations saisonnières de vitesse mesurées sur 4 glaciers rocheux des Alpes valaisannes. Les valeurs en % correspondent à la différence de la vitesse saisonnière par rapport à la vitesse annuelle moyenne. Des variations saisonnières plus ou moins sinusoïdales se répètent sur tous les sites, avec des différences notables durant la période estivale : au Graben Gufer (Vallée de Zermatt), les vitesses augmentent de façon continue durant l’été pour devenir maximales à la fin de l’automne ; la vitesse du glacier rocheux de Tsarmine (Val d’Arolla) augmente durant tout l’été ; enfin le glacier rocheux des Becs-de-Bosson (Vallon de Réchy) voit sa vitesse diminuer durant la période estivale (source : Delaloye & Staub 2016).
Fig. 5 – Différents types de variations saisonnières de vitesse mesurées sur 4 glaciers rocheux des Alpes valaisannes. Les valeurs en % correspondent à la différence de la vitesse saisonnière par rapport à la vitesse annuelle moyenne. Des variations saisonnières plus ou moins sinusoïdales se répètent sur tous les sites, avec des différences notables durant la période estivale : au Graben Gufer (Vallée de Zermatt), les vitesses augmentent de façon continue durant l’été pour devenir maximales à la fin de l’automne ; la vitesse du glacier rocheux de Tsarmine (Val d’Arolla) augmente durant tout l’été ; enfin le glacier rocheux des Becs-de-Bosson (Vallon de Réchy) voit sa vitesse diminuer durant la période estivale (source : Delaloye & Staub 2016).
Fig. 6 – Le glacier rocheux actif de Tsavolires (Vallon de Réchy, Valais).
Fig. 6 – Le glacier rocheux actif de Tsavolires (Vallon de Réchy, Valais).