Les parois rocheuses situées au-dessus de 2’000 m d’altitude dans les Alpes sont soumises aux alternances de gel-dégel (cf. chapitre 3.2). Dans les Alpes, à partir de 2’600 m en versant nord et de 3’600 m en versant sud, il est possible de trouver du pergélisol quasi-continu dans les parois rocheuses (cf. fiche pergélisol 3.1). Le pergélisol des parois rocheuses se caractérise par une teneur en glace relativement faible, seules les fissures de la roche pouvant en contenir (fig. 1). Néanmoins cette fine pellicule de glace joue un rôle essentiel mais parfois contradictoire dans la stabilité des parois.
- Un rôle stabilisant : la glace présente dans les fissures agit comme un « ciment des montagnes » qui permet de maintenir ensemble des pans de roche fracturée.
- Un rôle déstabilisant : la croissance de lentilles de glace (cf. fiche pergélisol 2.4) dans les fissures de la roche peut en revanche accélérer l’élargissement des fissures et en conséquence leur instabilité future. Dans ce cas, le rôle du pergélisol est plutôt déstabilisant, en contradiction avec ses propriétés de « ciment des montagnes ».
La stabilité des parois rocheuses, dont les fissures sont remplies de glace, est très fortement influencée par sa température. Des essais de laboratoire montrent que lorsque la température des masses rocheuses se situe juste au-dessous du point de fusion (entre –1.5 et 0°C), leur stabilité diminue et provoque un danger accru de chutes de pierres (fig. 2). Lorsqu’un pergélisol froid devient tempéré, une phase de déstabilisation temporaire se produit. Les secteurs de pergélisol tempéré seraient donc propices à des éboulements, alors qu’à plus basse température (pergélisol froid) ou lorsque les fissures sont libres de glace, ces parois seraient plus stables.
En conséquence, une augmentation de la température de la roche proche du 0°C devient critique pour la stabilité d’une paroi en raison de trois processus majeurs :
- Avant le changement d’état de la glace en eau (fusion), la plasticité de la glace dans les fissures peut augmenter en raison de l’augmentation de sa température. Ce changement des propriétés intrinsèques de la glace augmente le facteur d’instabilité.
- Puis la fusion entraîne une perte de l’adhésion entre la glace des fissures et la roche.
- Enfin, la présence d’eau liquide liée au dégel du pergélisol, potentiellement combinée à des arrivées d’eau de précipitation ou de fonte des neiges, provoque l’augmentation de la pression hydraulique dans les interstices de la roche.
Avec le changement climatique, l’intensification des précipitations sous forme de pluie (et non de neige) ruisselant dans les fissures de la roche pourrait contribuer au réchauffement du pergélisol et à l’augmentation de la pression hydraulique, favorisant de la sorte les éboulements.
La réponse thermique du pergélisol de parois au changement climatique se déroule à différentes échelles de temps en fonction de la profondeur. L’impact d’une vague de chaleur se fera sentir rapidement dans les premiers centimètres de la roche, alors qu’il faudra généralement plusieurs mois pour qu’elle atteigne par conduction et de façon atténuée une profondeur d’environ 10 mètres (cf. fiche pergélisol 1.10).
Fig. 1 – Veine de glace à l’intérieur d’une fissure de la roche au Stockhorn (Valais, 3400 m).
Fig. 1 – Veine de glace à l’intérieur d’une fissure de la roche au Stockhorn (Valais, 3400 m).
Fig. 2 – Changements prédits du facteur de sécurité d’une paroi rocheuse dont les fissures sont remplies de glace, pour une pente de 70° et une discontinuité avec une inclinaison de 40°. Lorsque le facteur de sécurité est supérieur à 1.0, la paroi rocheuse est stable. Le réchauffement de la glace provoque une diminution du facteur de stabilité, avec un minimum lorsque la température atteint -0.5°C (adapté de Davies et al. 2001). Ce graphique suggère ainsi qu’une pente de roches fissurées est stable quand il n’y a pas de glace dans les joints (>0°C) et lorsque la glace dans les joints est à basse température, et deviendra instable quand la glace se réchauffe (source : Davies et al. 2001).
Fig. 2 – Changements prédits du facteur de sécurité d’une paroi rocheuse dont les fissures sont remplies de glace, pour une pente de 70° et une discontinuité avec une inclinaison de 40°. Lorsque le facteur de sécurité est supérieur à 1.0, la paroi rocheuse est stable. Le réchauffement de la glace provoque une diminution du facteur de stabilité, avec un minimum lorsque la température atteint -0.5°C (adapté de Davies et al. 2001). Ce graphique suggère ainsi qu’une pente de roches fissurées est stable quand il n’y a pas de glace dans les joints (>0°C) et lorsque la glace dans les joints est à basse température, et deviendra instable quand la glace se réchauffe (source : Davies et al. 2001).