Moins étudiés que les glaciers rocheux, les talus d’éboulis constituent cependant une composante essentielle de la zone périglaciaire alpine. Ils se définissent comme une accumulation sédimentaire à forte déclivité, constituée de blocs produits par la gélifraction par suite d’un transfert gravitaire (fig. 1 & 2).
La répartition du pergélisol dans les éboulis présente un fort contraste entre l’aval et l’amont. En effet dans la partie inférieure, un niveau de sédiments gelés d’une épaisseur variable (de 5 à 30 m) est généralement présent sous une couche mixte de gros blocs de surface et de sédiments plus fins. La probabilité d’existence d’un pergélisol diminue lorsque l’on s’élève dans la pente. Dans les portions sommitales, il semble possible que du pergélisol soit à nouveau présent, principalement dans des éboulis orientés au nord, au-dessus de 2700 – 2800 mètres environ (fig. 3). La répartition spatiale des trois zones susmentionnées peut cependant varier fortement d’un endroit à l’autre de l’éboulis (fig. 4 & 5).
Cette configuration asymétrique (présence de pergélisol dans les parties basses et absence dans les parties hautes) semble commune à la plupart des éboulis situés à l’intérieur de la ceinture du pergélisol alpin. Différentes explications ont été proposées : accumulation de neige en pied de pente par des avalanches protégeant le terrain du réchauffement estival, granulométrie plus grossière dans la partie basse maintenant des températures froide, complexes circulations d’air à l’intérieur des éboulis provoquant une anomalie thermique négative dans les parties basses et une anomalie positive dans les parties hautes (fig. 6 & 7). L’absence de pergélisol à des altitudes qui lui sont pourtant favorables montre que la ventilation interne, bien étudiée pour des formations de basse altitude (< 2000 m), semble être le facteur de contrôle le plus important. Nous y reviendrons plus en détail dans les fiches de la section suivante (cf. fiche pergélisol 3.5).
Contrairement au glacier rocheux, le contenu en glace des éboulis est généralement relativement faible (pergélisol saturé ou sous-saturé). Lorsque les quantités en glace dans un éboulis sont importantes (pergélisol sursaturé), un fluage marqué par une succession de bourrelets peut s’opérer (éboulis géliflués ou fluants) (fig. 8). Les bourrelets sont de plus en plus marqués au pied du versant et se poursuivent très souvent par un « bourrelet de fluage », un protalus rampart (fig. 6) ou un glacier rocheux.
Fig. 1 – L’éboulis de Tsena Réfien, dans la région d’Arolla (VS). Altitude basale 2600 m.
Fig. 1 – L’éboulis de Tsena Réfien, dans la région d’Arolla (VS). Altitude basale 2600 m.
Fig. 2 – L’éboulis des Lapires (Val de Nendaz, VS). Un forage PERMOS (cf. fiche 3.1.2) se situe au pied du pylône à gauche de l’image (altitude : 2500 m).
Fig. 2 – L’éboulis des Lapires (Val de Nendaz, VS). Un forage PERMOS (cf. fiche 3.1.2) se situe au pied du pylône à gauche de l’image (altitude : 2500 m).
Fig. 3 – Modèle de circulation d’air ascendante dans un éboulis situé à l’intérieur de la ceinture du pergélisol discontinu. 1 : pergélisol probable ; 2 : pergélisol possible/improbable ; 3 : pergélisol improbable (adapté de Lambiel, 2006).
Fig. 3 – Modèle de circulation d’air ascendante dans un éboulis situé à l’intérieur de la ceinture du pergélisol discontinu. 1 : pergélisol probable ; 2 : pergélisol possible/improbable ; 3 : pergélisol improbable (adapté de Lambiel, 2006).
Fig. 4 – Distribution supposée du pergélisol dans l’éboulis des Lapires (Val de Nendaz, VS) sur la base des informations géoélectriques et thermiques (source : Lambiel, 2006).
Fig. 4 – Distribution supposée du pergélisol dans l’éboulis des Lapires (Val de Nendaz, VS) sur la base des informations géoélectriques et thermiques (source : Lambiel, 2006).
Fig. 5 – Résistivités apparentes mesurées sur l’éboulis des Lapires (VS) (écartement interélectrode: 12.5 m et interpolation par krigeage simple de 301 mesures BTS relevées en mars 2002. L’hétérogénéité de la distribution du pergélisol de l’éboulis des Lapires (VS) semble partiellement contrôlée par des systèmes de ventilation) (source : Delaloye & Lambiel, 2005).
Fig. 5 – Résistivités apparentes mesurées sur l’éboulis des Lapires (VS) (écartement interélectrode: 12.5 m et interpolation par krigeage simple de 301 mesures BTS relevées en mars 2002. L’hétérogénéité de la distribution du pergélisol de l’éboulis des Lapires (VS) semble partiellement contrôlée par des systèmes de ventilation) (source : Delaloye & Lambiel, 2005).
Fig. 6 – Eboulis et protalus rampart du Petit Mont Rouge (Valais) (source : Scapozza 2015).
Fig. 6 – Eboulis et protalus rampart du Petit Mont Rouge (Valais) (source : Scapozza 2015).
Fig. 7 – L’éboulis de haute altitude du Petit Mont-Rouge (Alpes valaisannes, 2600 m.s.m.) montre une répartition typique des températures de la surface du sol en hiver sur des éboulis ventilés avec un fort contraste entre l’amont et l’aval de la pente. Interpolation par krigeage simple de mesures BTS du 2 mars 2004 (données C. Lambiel, Université de Lausanne).
Fig. 7 – L’éboulis de haute altitude du Petit Mont-Rouge (Alpes valaisannes, 2600 m.s.m.) montre une répartition typique des températures de la surface du sol en hiver sur des éboulis ventilés avec un fort contraste entre l’amont et l’aval de la pente. Interpolation par krigeage simple de mesures BTS du 2 mars 2004 (données C. Lambiel, Université de Lausanne).
Fig. 8 – Eboulis fluants au Pas de Lona (VS). L’accroissement des bourrelets le long de la pente est bien visible.
Fig. 8 – Eboulis fluants au Pas de Lona (VS). L’accroissement des bourrelets le long de la pente est bien visible.