1.11 Réseaux d’observation du pergélisol

Afin d’évaluer la réponse du pergélisol de montagne (variations d’épaisseur de la couche active, comportement thermique) au changement climatique en cours, différents réseaux d’observation et de monitoring à long terme ont été mis en place depuis les années 1990. Le réseau suisse PERMOS (Permafrost Monitoring Switzerland) est un modèle pour le monitoring du pergélisol de montagne.

Le terme « permafrost » a été publié pour la première fois en anglais vers 1940 par le géologue américain Siemon Muller. La première conférence internationale sur le permafrost a eu lieu à West Lafayette dans l’Indiana en 1963 en pleine guerre froide. Elle regroupa des scientifiques de 9 pays, dont des américains et des russes (fig. 1).

Suite à la 7ème conférence internationale sur le pergélisol organisée à Yellowknife au Canada en 1998, un réseau mondial d’observation du pergélisol dénommé GTN-P (Global Terrestrial Network for Permafrost) fut créé par l’International Permafrost Association (IPA) en partenariat avec le Global Climate observating system (GCOS) de l’Organisation météorologique mondiale des Nations Unies (OMM) et le Global Terrestrial Observing System (GTOS).

Lors de la conférence de Yellowknife, l’IPA décida également de mettre sur place une Task Force chargée de cartographier et d’étudier le pergélisol de montagne, alors bien moins connu que le pergélisol circumpolaire. C’est dans ce cadre que naîtra le projet PACE (Permafrost And Climate in Europe) de 1997 à 2000, projet regroupant 8 forages profonds (80-100 m) réalisés sur un transect nord-sud, du Spitzberg à la Sierra Nevada, en passant par la Scandinavie et les Alpes (fig. 2 & 3).

Dans les Alpes suisses, le réseau PERMOS (PERmafrost MOnitoring Switzerland) a été mis en place et a débuté ses activités officiellement en 2000. Il regroupe de nombreux instituts de recherche et est coordonné par la Commission Glaciologique de l’Académie Suisse des Sciences naturelles (ScNat). Le réseau PERMOS se base sur différentes stratégies de monitoring (fig. 4) :

  • Le pergélisol n’étant pas directement visible à la surface du terrain, le meilleur moyen de l’étudier consiste à relever les températures en profondeur à l’intérieur d’un forage. Cependant, un forage ne fournit qu’une information ponctuelle, et en raison d’un coût opérationnel élevé (technique, logistique…), les données sont complétées par d’autres méthodes.
  • Suivi de la température de surface du sol.
  • Estimation de la teneur en eau non gelée dans le pergélisol à l’aide de méthodes géophysiques comme la mesure de la résistivité électrique du sous-sol.
  • Suivi des vitesses de fluage de glaciers rocheux mesurées par des mesures terrestres géodésiques (réseau de points GPS dont la coordonnée est relevée 1 fois par année, ou mesure ponctuelle en continu avec un GPS fixe) (fig. 5).
  • Des photographies aériennes sont prises périodiquement sur certaines zones afin de suivre les mouvements de surface (glaciers rocheux).
  • Inventaire des chutes de blocs et des éboulements ayant lieu en haute montagne. La collecte de ces données se fait dans une démarche participative auprès des utilisateurs de la montagne (guides, gardiens de cabane, spécialistes des dangers naturels, autorités communales et cantonales, randonneurs, etc.).

Contrairement au réseau suisse des observations glaciaires GLAMOS mise en place en 1880 déjà à la fin du Petit Age Glaciaire, le suivi systématique du pergélisol alpin est ainsi récent et s’inscrit uniquement dans la période chaude débutée en 1990. Le pergélisol ayant un temps de réponse aux modifications climatiques beaucoup plus lent que les glaciers, il faudra probablement attendre plusieurs années pour que les mesures effectuées dans le cadre de PERMOS dévoilent des changements notoires dans la distribution du pergélisol et le régime thermique du sous-sol.