Très fréquents en montagne, les phénomènes de solifluxion désignent les phénomènes de déformation lente (quelques cm/an) de la couche superficielle du sol et de formations meubles qui lorsqu’elle est gorgée d’eau, se lubrifie et devient plastique (fig. 2). Selon Matsuoka (2001), quatre processus peuvent participer à la solifluxion :
- La gélifluxion (fluage d’un matériel devenu plastique sous l’effet de la fonte d’un sol gelé et/ou de l’infiltration d’eau provenant de la fonte neige ou de la pluie) ;
- Le glissement sur pergélisol (présent essentiellement dans l’Arctique) ;
- La reptation liée aux aiguilles de glaces (phénomène diurne, cf. fiche pergélisol 2.4) ;
- Les mouvements provoqués par le développement de lentilles de glace. );
Dans les Alpes, le phénomène dominant qui participe à la solifluxion est la gélifluxion. La majeure partie du mouvement a donc lieu lors du dégel du terrain (fig. 3).
Ce processus de déformation plastique se traduit dans le paysage par la création d’une niche de décollement et d’un bourrelet d’accumulation ou loupe (fig. 4). En raison des effets de frottement, les déformations au sein d’une loupe de solifluxion ne sont pas identiques entre le centre du lobe (mouvement plus rapide) et ses bords (fig. 5), ainsi qu’entre la surface de la loupe (mouvement plus rapide) et sa base. Il arrive que le sol pédologique se retrouve « cul par-dessus tête » avec une inversion complète des horizons pédologiques. Dans les versants comprenant de multiples loupes de solifluxion, il est fréquent d’observer une superposition des formes, les loupes de solifluxion les plus rapides recouvrant les loupes les plus lentes. Il existe une grande diversité de formes : bourrelets, micro-loupes (décimétrique), loupe isolée, groupement de loupes, grande coulée de plusieurs dizaines de mètres de long (fig. 6), solifluxion sur éboulis (fig. 7), fluage de moraine (fig. 8), etc. Les grandes coulées ou lobes de solifluxion (fig. 9) semblent concerner une épaisseur du terrain de l’ordre de 2 à 15 m et se mouvoir de quelques cm à quelques dm par an. Elles pourraient s’apparenter à une forme intermédiaire entre la loupe de solifluxion et le glacier rocheux (fig. 10).
Les phénomènes de reptation peuvent aussi s’exercer sur des blocs qui, à chaque cycle gel/dégel, se déplacent de quelques cm vers le bas de la pente. La reptation est amplifiée par le poids du bloc. Ces blocs que l’on appelle blocs laboureurs sont reconnaissables à leur bourrelet frontal et au sillon qu’ils laissent derrière eux (fig. 11).
Fig. 1 – Trajectoire d’une particule lors d’un cycle de gel-dégel, en tenant compte du processus de cryoreptation (à gauche) et d’une combinaison de cryoreptation avec de la gélifluxion (à droite). La composante horizontale du mouvement effectif de blocs ou de particules de sol est faible avec uniquement de la cryoreptation. La gélifluxion est plus efficace pour transférer des particules vers l’aval (figure adaptée de Van-Vliet Lanoë, 2005).
Fig. 1 – Trajectoire d’une particule lors d’un cycle de gel-dégel, en tenant compte du processus de cryoreptation (à gauche) et d’une combinaison de cryoreptation avec de la gélifluxion (à droite). La composante horizontale du mouvement effectif de blocs ou de particules de sol est faible avec uniquement de la cryoreptation. La gélifluxion est plus efficace pour transférer des particules vers l’aval (figure adaptée de Van-Vliet Lanoë, 2005).
Fig. 2 – Loupes de solifluxion végétalisées (Tsaté/Moiry, VS).
Fig. 2 – Loupes de solifluxion végétalisées (Tsaté/Moiry, VS).
Fig. 3 – Processus de solifluxion / gélifluxion dans un environnement soumis à un gel hivernal et un dégel printanier du terrain.
Fig. 3 – Processus de solifluxion / gélifluxion dans un environnement soumis à un gel hivernal et un dégel printanier du terrain.
Fig. 4 – Front d’un micro-loupe de solifluxion (env. 10 cm de hauteur) (Vallon de Réchy, VS).
Fig. 4 – Front d’un micro-loupe de solifluxion (env. 10 cm de hauteur) (Vallon de Réchy, VS).
Fig. 5 – Micro-loupe de solifluxion qui laisse entrevoir le mouvement différentiel entre le centre et les bords (Vallon de Réchy, VS).
Fig. 5 – Micro-loupe de solifluxion qui laisse entrevoir le mouvement différentiel entre le centre et les bords (Vallon de Réchy, VS).
Fig. 6 – Grandes loupes de solifluxion (versant est du Horlini, VS).
Fig. 6 – Grandes loupes de solifluxion (versant est du Horlini, VS).
Fig. 7 – Loupes de solifluxion sur un éboulis (Vallon de Réchy).
Fig. 7 – Loupes de solifluxion sur un éboulis (Vallon de Réchy).
Fig. 8 – Moraine fluée (déformation de surface) : loupes de solifluxion sur la moraine latérale gauche du glacier de Tsijiore Nouve (Arolla).
Fig. 8 – Moraine fluée (déformation de surface) : loupes de solifluxion sur la moraine latérale gauche du glacier de Tsijiore Nouve (Arolla).
Fig. 9 – Grandes coulées de solifluxion dans un éboulis de calcschistes à proximité du Pas-de-Lona (versant nord du Sasseneire, VS).
Fig. 9 – Grandes coulées de solifluxion dans un éboulis de calcschistes à proximité du Pas-de-Lona (versant nord du Sasseneire, VS).
Fig. 10 – Grandes coulées de solifluxion (à gauche) et glacier rocheux actif (à droite) du Furggentälti à la Gemmi, deux formes types de fluage des environnements périglaciaires (Gemmi, VS).
Fig. 10 – Grandes coulées de solifluxion (à gauche) et glacier rocheux actif (à droite) du Furggentälti à la Gemmi, deux formes types de fluage des environnements périglaciaires (Gemmi, VS).
Fig. 11 – Bloc laboureur marqué par un lobe de glissement à l’aval. Le sillon (dont le contraste a été amélioré) est bien visible à l’amont (Vallon de la Chevillence, Derborence, VS).
Fig. 11 – Bloc laboureur marqué par un lobe de glissement à l’aval. Le sillon (dont le contraste a été amélioré) est bien visible à l’amont (Vallon de la Chevillence, Derborence, VS).